Décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995
Loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant
loi organique sur le Conseil constitutionnel notamment le chapitre II
du titre II de ladite ordonnance ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à
l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;
Vu le décret du 23 octobre 1935 modifié portant réglementation
des mesures relatives au renforcement du maintien de l'ordre public
;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Considérant que les députés et sénateurs,
auteurs de la saisine, défèrent au Conseil constitutionnel
la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité
en mettant en cause ses articles 10, 16 et 18 ; qu'ils articulent à
cette fin les mêmes griefs ;
- SUR L'ARTICLE 10 :
Considérant que les auteurs des saisines font grief à
cet article, qui fixe un régime d'autorisation et d'utilisation
des installations de systèmes de vidéosurveillance, de
méconnaître l'exercice de plusieurs libertés et
droits fondamentaux constitutionnellement protégés ; qu'au
nombre de ceux-ci figureraient, selon eux, la liberté individuelle
dont l'autorité judiciaire doit assurer la garantie en vertu
de l'article 66 de la Constitution, la liberté d'aller et venir
sans surveillance arbitraire et généralisée et
le droit au respect de la vie privée qui impliquerait un droit
à l'anonymat ; qu'à cette fin ils font valoir, outre la
méconnaissance de principes de nécessité et de
proportionnalité propres aux mesures de police, que n'auraient
pas été instituées des garanties suffisantes quant
à l'exercice des libertés publiques, en ce qui concerne
les autorités compétentes et les circonstances requises
pour délivrer les autorisations, l'usage des images et leur enregistrement
ainsi que l'exercice des contrôles et recours dont doivent disposer
les personnes filmées ; qu'ils soutiennent que le législateur
aurait ainsi méconnu la compétence qu'il tient de l'article
34 de la
Constitution en matière de garantie des libertés publiques
;
Considérant que la prévention d'atteintes à l'ordre
public, notamment d'atteintes à la sécurité des
personnes et des biens, et la recherche des auteurs d'infractions, sont
nécessaires à la sauvegarde de principes et droits à
valeur constitutionnelle ; qu'il appartient au législateur d'assurer
la conciliation entre ces objectifs de valeur constitutionnelle et l'exercice
des libertés publiques constitutionnellement garanties au nombre
desquelles figurent la liberté individuelle et la liberté
d'aller et venir ainsi que l'inviolabilité du domicile ; que
la méconnaissance du droit au respect de la vie privée
peut être de nature à porter atteinte à la liberté
individuelle ;
Loi
no 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative
à la sécurité.
(extrait)
Art 10 -1- Les enregistrements visuels de vidéosurveillance ne
sont considérés comme des informations nominatives, au
sens de la loi no 78-17
du 6 janvier 1978 relative à
l'informatique aux fichiers et aux libertés, que s'ils sont utilisés
pour la constitution d'un fichier nominatif.
II - La transmission et l'enregistrement d'images prises sur la voie
publique, par le moyen de la vidéosurveillance, peuvent être
mis en oeuvre par
les autorités publiques
compétentes aux fins d'assurer la protection des bâtiments
et installations publics et de leurs abords, la sauvegarde des
installations utiles à la
défense nationale, la régulation du trafic routier, la
constatation des infractions aux règles de la circulation ou
la prévention
des atteintes à la sécurité
des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés
à des risques d'agression ou de vol.
Il peut être également
procédé à ces opérations dans des lieux
et établissements ouverts aux public particulièrement
exposés à des risques
d'agression ou de vol, aux fins
d'y assurer la sécurité des personnes et des biens.
Les opérations de vidéosurveillance
de la voie publique sont réalisées de telle sorte qu'elles
ne visualisent pas les images de l'intérieur des
immeubles d'habitation ni, de façon
spécifique, celles de leurs entrées.
Le public est informé de
manière claire et permanente de l'existence du système
de vidéosurveillance et de l'autorité ou de la personne
responsable.
III - L'installation d'un système de vidéosurveillence
dans le cadre du présent article est subordonnée à
une autorisation du représentant de l'Etat
dans le département et,
à Paris, du préfet de police, donnée, sauf en matière
de défense nationale, après avis d'une commission départementale
présidée par un magistrat
du siège ou un magistrat honoraire.
L'autorisation préfectorale prescrit toutes les précautions
utiles, en particulier quant à la qualité des personnes
chargées de l'exploitation du
système de vidéosurveillance
ou visionnant les images et aux mesures à prendre pour assurer
le respect des dispositions de la loi.
(Dispositions déclarées
non conformes à la Constitution par décision du Conseil
constitutionnel N°94-.352DC du 8 janvier 1995). Les dispositifs
de vidéosurveillance existant
à la date d'entrée en vigueur du présent article
doivent faire l'objet d'une déclaration valant demande d'autorisation
et
être mis en conformité
avec le présent article dans un délai de six mois.
IV - Hormis le cas d'une enquête de flagrant délit, d'une
enquête préliminaire ou d'une information judiciaire, les
enregistrements sont détruits
dans un délai maximum fixé
par l'autorisation. Ce délai ne peut excéder un mois.
V - Toute personne intéressée peut s'adresser au responsable
d'un système de vidéosurveillance afin d'obtenir un accès
aux enregistrements qui la
concernent ou d'en vérifier
la destruction dans le délai prévu. Cet accès est
de droit. Un refus d'accès peut toutefois être opposé
pour un motif
tenant à la sûreté
de l'Etat, à la défense, à la sécurité
publique, au déroulement de procédure engagées
devant les juridictions ou d'opérations
préliminaires à de
telles procédures, ou au droit des tiers. Toute personne intéressée
peut saisir la commission départementale mentionnée au
III
de toute difficulté tenant
au fonctionnement d'un système de vidéosurveillance.
Les dispositions du précédent
alinéa ne font pas obstacle au droit de la personne intéressé
de saisir la juridiction compétente, au besoin en la
forme du référé.
VI - Le fait de procéder à des enregistrements de vidéosurveillance
sans autorisation de ne pas les détruire dans le délai
prévu, de les falsifier,
d'entraver l'action de la commission
départementale, de faire accéder des personnes non habilitées
aux images ou d'utiliser ces images à d'autres
fins que celles pour lesquelles
elles sont autorisées est puni de trois ans d'emprisonnement
et de 300 000F d'amende. Sans préjudice des
dispositions des articles 226.1
du code pénal et L.120-2, L. 121-8 et L. 432-2-1 du code du travail.
VII - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application
du présent article.
Décret relatif à la vidéosurveillance
Décret no 96-926 du 17 octobre 1996 relatif à la vidéosurveillance
pris pour l'application de l'article 10
de
la loi no 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation
relative à la sécurité.
Art. 1er - La demande d'autorisation préalable à l'installation
d'un système de vidéosurveillance dans le cadre de l'article
10 de la loi du 21 janvier
1995 susvisée doit être
déposée à la préfecture du lieu d'implantation
ou, à Paris, à la préfecture de police, accompagnée
d'un dossier administratif
et technique comprenant :
1. Un rapport de présentation dans lequel sont exposées
les finalités du projet au regard des objectifs définis
par ladite loi et les
techniques mises en oeuvres, eu égard à la nature de l'activité
exercée, aux risques d'agression ou de vol présentés
par le lieu ou
l'établissement à protéger ;
2. Un plan masse des lieux montrant les bâtiments du pétitionnaire
et, le cas échéant, ceux appartenant à des tiers
qui se
trouveraient dans le champ de vision des caméras, avec l'indication
de leurs accès et de leurs ouvertures ;
3. Un plan de détail à une échelle suffisante montant
le nombre et l'implantation des caméras ainsi que les zones couvertes
par
celles-ci ;
4. La description du dispositif prévu pour la transmission, l'enregistrement
et le traitement des images;
5. La description des mesures de sécurité qui seront prises
pour la sauvegarde et la protection des images éventuellement
enregistrées;
6. Les modalités de l'information du public;
7. Le délai de conservation des images, s'il y a lieu, avec les
justifications nécessaires ;
8. La désignation de la personne ou du service responsable du
système et, s'il s'agit d'une personne ou d'un service différent,
la
désignation du responsable de sa maintenance, ainsi que toute
indication sur la qualité des personnes chargées de l'exploitation
du système et susceptibles de visionner les images ;
9.Les consignes générales données aux personnes
d'exploitation du système pour le fonctionnement de celui-ci
et le traitement
des images ;
10. Les modalités du droit d'accès des personnes intéressées.
L'autorité préfectorale peut, le cas échéant,
demander au pétitionnaire de compléter son dossier. Elle
lui délivre un récépissé lors
du dépôt du dossier complet.
Art. 2 - La demande d'autorisation d'un système de vidéosurveillance
mis en oeuvre par un service de l'Etat est présentée par
le chef de service
responsable localement compétent.
Dans le cas où des raisons d'ordre public et dans celui où
l'utilisation de dispositifs mobiles de surveillance de
la circulation routière
s'opposent à la transmission de tout ou partie des indications
mentionnées aux 2° et 3° de l'article 1er, le dossier
de demande
d'autorisation mentionne les raisons
qui justifient l'absence de ces indications.
Art 3 - Dans le cas où des raisons impérieuses touchant
à la sécurité des lieux où sont conservés
des fonds ou valeurs, des objets d'art ou des
objets précieux s'opposent
à la transmission par le pétitionnaire de la totalité
des informations prévues aux 2° et 3° de l'article 1er,
la demande
d'autorisation mentionne les raisons
qui justifient l'absence de ces informations. Le président de
la commission peut déléguer auprès du
pétitionnaire un membre
de la commission pour prendre connaissance des informations ne figurant
pas au dossier.
Art 4 - La demande d'autorisation d'un système de vidéosurveillance
mis en oeuvre par un service, établissement ou entreprise intéressant
la
défense nationale est présentée
par la personne responsable du système. Dans le cas où
la protection des installations, du matériel ou du secret des
recherches, études ou fabrications
dont la sauvegarde est en cause s'oppose à la transmission de
tout ou partie des informations prévues à l'article
1er(2° à 10°), le
dossier de demande d'autorisation mentionne les raisons qui justifient
l'absence de ces informations.
Le préfet peut demander
au ministre dont relève le demandeur de se prononcer sur les
raisons invoquées.
Art. 5 - Dans le cas où les informations jointes à la
demande d'autorisation ou des informations complémentaires font
apparaître que les
enregistrements visuels de vidéosurveillance
seront utilisés pour la constitution d'un fichier nominatif,
l'autorité préfectorale répond au
pétitionnaire que la demande
doit être adressée à la Commission Nationale de
l'Informatique et des Libertés. Il en informe cette commission.
Art. 6 - Dans chaque département, une commission départementale
des systèmes de vidéosurveillance est instituée
par arrêté du préfet ou, à
Paris, du préfet de police.
Art. 7 - La commission départementale des systèmes de
vidéosurveillance comprend cinq membres :
1. Un magistrat du siège, ou un magistrat honoraire, désigné
par le premier président de la cour d'appel, président
;
2. Un membre du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives
d'appel, en activité ou honoraire, désigné par
le
président de la cour administrative d'appel lorsque la commission
est située dans une ville siège de la cour administrative
d'appel,
le cas échéant, sur proposition du président du
tribunal administratif de cette ville, si le président de la
cour administrative d'appel
entend désigner un membre d'un tribunal administratif, soit par
le président du tribunal administratif dans le ressort duquel
la
commission a son siège lorsque celui-ci n'est pas situé
dans une ville siège d'une cour administrative d'appel ;
3. Un maire, désigné par la ou les associations départementales
des maires, ou, à Paris, un conseiller de Paris ou conseiller
d'arrondissement désigné par le Conseil de Paris ;
4. Un représentant désigné par la ou les chambres
de commerce et d'industrie territorialement compétentes ;
5. Une personnalité qualifiée choisie en raison de sa
compétence par le préfet ou, à Paris par le préfet
de police.
Art. 8 - Des membres suppléants sont désignés dans
les mêmes conditions et en nombre égal pour chacune des
catégories de membres titulaires.
Art. 9 - Les membres de la commission titulaires et suppléants,
sont désignés pour trois ans. Leur mandat est renouvelable
une fois.
Art. 10 - En cas de partage des voix, celle du président est
prépondérante.
La commission siège à
la préfecture du département ou, à Paris, à
la préfecture de police, qui assurent son secrétariat.
La personne chargée du secrétariat,
désignée par le préfet ou, à Paris, par
le préfet de police, assiste aux travaux et aux délibérations
de la
commission.
Art. 11 - La commission peut demander à entendre le pétitionnaire
ou solliciter tout complément d'information et, le cas échéant,
solliciter l'avis
de toute personne qualifiée
qui lui paraîtrait indispensable pour l'examen d'un dossier particulier.
Art. 12 - L'autorisation prévue à l'article 10 de la loi
du 21 janvier 1995 précitée peut, après que l'intéressé
a été mis à même de présenter ses
observations, être retirée
en cas de manquement aux dispositions de l'article 10 (II à VI)
de la loi du 21 janvier 1995 précitée et de l'article
13 du
présent décret, et
en cas de modification des conditions au vu desquelles elle à
été délivrée.
Art. 13 - Le titulaire de l'autorisation tient un registre mentionnant
les enregistrements réalisés, la date de destruction des
images et, le cas
échéant, la date
de leur transmission au parquet.
Art. 14 - La demande formulée par toute personne intéressée
au titre du V de l'article 10 de la loi du 21 janvier 1995 précitée
en vue de l'accès
aux enregistrements qui la concernent
ne peut être rejetée pour un motif tenant au droit des
tiers que s'il existe un motif tiré de la protection du
secret de la vie privée
du ou des tiers au cause.
Art. 15 - Sauf en matière de défense nationale, où
le préfet est compétent, la commission départementale,
saisie par une personne intéressée sur
le fondement du V de l'article
10 de la loi du 21 janvier 1995 précitée du refus d'accès
à des enregistrements qui la concernent ou de l'impossibilité
de vérifier la destruction
de ces enregistrements, ou de toute difficulté tenant au fonctionnement
d'un système de vidéosurveillance, peut déléguer
un de ses membres pour collecter
les informations utiles à l'examen de la demande dont elle est
saisie.
Art. 16 - L'autorisation est publiée au Recueil des actes administratifs
de la préfecture, sauf dérogation motivée par un
impératif de défense
nationale. L'autorité préfectorale
met à la disposition du public la liste des autorisations publiées
des systèmes de vidéosurveillance qui précise
pour chacun d'eux la date de son
autorisation et le service ou la personne responsable. Elle communique
également la liste des systèmes de
vidéosurveillance autorisés
sur le territoire de chaque commune au maire, qui la met à la
disposition du public à la mairie et, le cas échéant,
dans les
mairies d'arrondissement.
Art. 17 - Les frais de transports et de séjour que les membres
de la commission sont appelés à engager pour se rendre
aux convocations de la
commission ou pour effectuer les
déplacements temporaires qui leur sont demandés par la
commission à laquelle ils appartiennent peuvent être
remboursés dans les conditions
prévues par le décret du 28 mai 1990 susvisé. Les
membres de la commission peuvent être rémunérés
sous forme
de vacations dans des conditions
fixées par arrêté conjoint pris par le ministre
chargé de l'intérieur et la ministre chargé du
budget.
Art. 18 - La déclaration des systèmes de vidéosurveillance
existants est effectuée conformément aux articles 1er
à 5 ci-dessus dans un délai de
six mois à compter de la
date d'entrée en vigueur du présent décret.
Dans le même délai,
le déclarant est tenu de mettre le système de vidéosurveillance
en conformité avec les règles de fond énoncées
à l'article 10 de
la loi du 21 janvier 1995 susvisée.
L'autorité préfectorale
dispose d'un délai d'un an à compter du dépôt
de la déclaration pour délivrer l'autorisation.
Art. 19 - Le garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre de
la défense, le ministre de l'équipement, du logement,
des transports et du
tourisme, le ministre de l'intérieur,
le ministre de l'économie et des finances, le ministre des petites
et moyennes entreprises, du commerce et de
l'artisanat, le ministre délégué
à l'outre-mer et le ministre délégué au
budget, porte-parole du Gouvernement sont chargés, chacun en
ce qui le
concerne, de l'exécution
du présent décret, qui sera publié au journal officiel
de la République française.
Fait à Paris le 17 octobre 1996
Alain JUPPE
Par le Premier ministre
Le ministre de l'intérieur
Jean-Louis DEBRE
Le garde des sceaux, ministre de la justice,
Jacques TOUBON
Le ministre de la défense,
Charles MILLON
Le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du
tourisme,
Bernard PONS
Le ministre de l'économie et des finances,
Jean ARTHUIS
Le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat,
Jean-Pierre RAFFARIN
Le ministre délégué à l'outre-mer,
Jean-Jacques PERETTI
Le ministre délégué au budget, porte-parole du
Gouvernement,
Alain LAMASSOURE
loi sur la video
surveillance trouvée sur http://www.visiosys.com/presse.html
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